QuatroVaras ?

C’est l’origine brésilienne de la TCI dans toute l’Europe.

LE  MOUVEMENT  INTEGRE DE  SANTE  MENTALE  COMMUNAUTAIRE (MISMEC) ou  PROJET QUATRO  VARAS: une initiative pour une autre insertion

« Le Projet Quatro Varas est un projet de prévention au niveau de la santé mentale communautaire. Nous cherchons à réduire  la violence, le stress et à tisser des liens entre les gens. Il s’agit de  liens invisibles certes mais très structurants pour ces personnes qui vivent dans un espace de fragmentation.  C’est pourquoi la toile de l’araignée est le symbole de notre Projet.»

Au Brésil, la région du Nordeste subit régulièrement de longues périodes de sécheresse qui entraînent un exode rural massif vers les favelas (bidonvilles) des grandes villes côtières. Près de 54% de ces personnes n’ont ni acte de naissance, ni carte d’identité. De cette manière, ils n’existent pas aux yeux d’un Etat qui les ignore.

En favela, les conditions de vie et d’hygiène  de ces populations ont pour conséquences de graves troubles aussi bien physiques que mentaux. L’arrivée dans un milieu urbain qui leur est totalement étranger voire hostile, et la perte d’identité qui en découle, la violence qu’elles subissent sont telles que ces personnes, pour beaucoup, perdent totalement confiance en elles-mêmes et s’accommodent d’un climat fataliste qui participe du cercle vicieux de la misère.

A Fortaleza, ville de 2 600.000 d’habitants, on compte un tiers de la population regroupé dans 350 favelas. La favela du Pirambu, qui est la plus importante, compte une centaine de communautés organisées dont celle de Quatro Varas (8 000 habitants).

En 1982, Ayrton Barreto, avocat (et frére d’ Adalberto), a fait le choix d’aller vivre lui-même à Pirambu et a créé la « Maison des droits de l’Homme » pour faire connaître leurs droits aux « favelados » et les assister juridiquement face aux autorités.

Rapidement, Ayrton s’aperçut que cette aide ne suffisait pas. En 1988 et pour la 3ème  fois, les cabanes du quartier de Quatro Varas étaient rasées par la Police. Chez les « favelados », ayant subi de telles violences, « l’introjection « des représentations de leur situation d’exclus  était telle qu’ils sombraient dans la dépression, le délire… Ayrton fit alors appel à son frère Adalberto Barreto, ethnopsychiatre et professeur de Médecine sociale à l’Université fédérale du Ceara. Ensemble, ils créèrent, à Quatro Varas même, un espace d’écoute et de parole pour les membres de la communauté.

Adalberto proposa l’instauration  de séances de « thérapie communautaire » basée sur l’adage  »guérir les maux par les mots ». Ce sont des séances hebdomadaires durant lesquelles les « favelados », à partir d’une situation-problème apportée par le groupe, expriment leur souffrance, échangent leurs expériences face aux difficultés et leurs manières de les affronter et de les vaincre. Au lieu que la réponse vienne du docteur, du psychologue, du thérapeute, elle vient du groupe lui-même. Aujourd’hui  encore, cette séance de « thérapie communautaire » a lieu tous les jeudis après-midi et regroupe de 40 à 100 personnes.

Adalberto dit lui-même qu’il a fallu neuf ans de travail pour se rendre compte à quel point le problème de la misère intériorisée était grave. Il a alors proposé un autre programme appelé « éveil de l’estime de soi ». La « séance d’éveil de l’estime de soi », également hebdomadaire,  permet aux participants de chercher à l’intérieur d’eux-mêmes, les ressources dont ils disposent, afin qu’ avec l’aide des autres, ils puissent dépasser leurs souffrances et surtout commencer à croire en leurs propres ressources, à croire qu’ils sont capables de faire quelque chose et de s’en sortir.
A partir des problèmes abordés durant les séances de « thérapie communautaire » et des solutions proposées par le groupe, le « Projet Quatro Varas », au fil des ans et selon ses moyens, a développé d’autres activités :

  • La « Pharmacie Vivante » (Farmacia Viva) : Vu les très faibles ressources des « favelados », et donc leur difficulté pour se soigner, le « Projet Quatro Varas », avec l’appui- et le soutien de l’Université fédérale du Ceara, a développé la « Farmacia Viva ». Elle comprend un jardin de plantes médicinales utilisées par les guérisseuses traditionnelles et un petit laboratoire où des femmes de la favela ont appris à fabriquer tisanes, sirops et gélules. C’est  la vente de ces produits qui assurent en grande partie les frais de fonctionnement du « Projet Quatro Varas ».
  • La « Maison  de soin » (Casa de Cura): Des « guérisseuses-masseuses » traditionnelles ont suivi un cours à l’Université, cours durant lequel elles ont échangé leur expérience et leurs diverses techniques de « masso­thérapie ».
    Aujourd’hui, dans la « Casa de cura », elles dispensent des massages pour les personnes qui sont stressées, qui font des crises de nerfs. Ainsi, ces dernières évitent l’entrée dans le circuit des médicaments.
  • L’atelier d’Art-thérapie : A présent, il regroupe une quarantaine de jeunes dont la famille est en difficulté (chômage, alcoolisme, violences familiales…) Pour sortir de la rue ces jeunes en situation de risque, pour qu’ils puissent être ensemble et éviter d’être récupérés par les gangs, pour qu’ils puissent rapporter quelque argent à la maison sans être obligés de mendier, sinon de voler, ils font des « cartes postales » qu’ils vendent. La moitié du produit de la vente leur revient et 1’autre moitié est pour assurer le fonctionnement de 1’atelier.
  • Le groupe de théâtre « Zé  e Maria »: Il rassemble actuellement une quinzaine de jeunes de 8 à 16 ans et est animé par Messias, un père de famille habitant dans Pirambu. Ce groupe offre une autre forme d’expression  artistique pour éveiller l’estime  de soi et aider à la réintégration des jeunes dans leur milieu familial, leur école ou collège, leur communauté.
    Les sketches présentés, souvent écrits par Messias lui-même, traitent des problèmes liés à la drogue, à l’alcool, au manque d’hygiène mais également aux préjugés, au racisme etc… L’un d’eux met encore en scène l’histoire du « Projet Quatro Varas » et un autre la valeur thérapeutique des plantes médicinales de la « Farmacia viva »
  • Les groupes  de football et de surf :Ils ont été créés en partenariat avec la Fondation hollandaise « Tio Louro » et sont animés par quatre jeunes adultes qui habitent la favela. Adolescents, ils ont eu eux-mêmes la chance d’avoir été « tirés » de la rue et aujourd’hui ils veulent, à leur tour, offrir cette possibilité à d’autres, en situation de risque.
    Les 4 équipes de football et les 4 équipes de surf regroupent respectivement 120 et 40 enfants et adolescents. Chaque équipe a 2 entraînements de 2 heures chacun par semaine. Ces jeunes trouvent là l’autorité et la rigueur qui leur ont souvent fait défaut dans leurs familles et beaucoup peuvent s’identifier aux « figures paternelles de remplacement » incarnées par ces quatre animateurs. C’est  encore avec eux et au sein de leurs équipes qu’ils apprennent le respect de soi-même et de leur corps, le respect d’autrui  et des règles de fonctionnement du groupe.
  • La Radio communautaire: Elle a été créée en 1998 par Davi, un jeune du « groupe d’Art-thérapie » et son oncle. Ils désiraient répondre au besoin de communication et de dialogue exprimé par les « favelados » et au souhait d’un espace ouvert dans lequel chacun pourrait exprimer sa pensée, ses interrogations, ce qu’il ressent (par exemple,  son sentiment de révolte face aux injustices subies) mais aussi les solutions possibles qui amélioreraient les conditions de vie de la communauté.
    Cette radio communautaire est aujourd’hui dirigée par 42 adolescents qui assurent une programmation quotidienne de 6 heures à minuit. Elle propose des émissions religieuses et sportives, des informations sur ce qui se passe dans les différents quartiers, des informations concernant la santé, des émissions de prévention (par rapport au sida par ex.) ... et beaucoup de musiques variées.
  • L’école  de  la  Vie ( « Casa de Maria », nom qui équivaut à « Maison pour tous » dans la culture du Nordeste): Elle accueille à ce jour 55 enfants (de 5 à 7 ans) durant la demi-journée où ils ne sont pas à l’école (car au Brésil, les enfants ne sont scolarisés que 4 heures par jour, soit de 8 h midi, soit de 13 à 17 h.).
    Le but de la « Casa de Maria » n’est  pas de suppléer directement à la mauvaise qualité de l’enseignement dispensé dans les écoles publiques situées à la périphérie de la favela mais de travailler à ce que les enfants soient suffisamment bien dans leur peau pour apprendre à lire même lorsque les méthodes employées sont des plus défectueuses. A 5 ans, les enfants des favelas ont déjà intériorisé la misère et tous les stéréotypes qui s’y rattachent. A « l’école  de la Vie », le travail de fond porte donc en priorité, sur l’éveil  ou la restauration de l’estime de soi. Cela se fait par un travail sur le corps et au travers d’activités créatrices (peinture, argile, danse, chant …) et d’activités  pratiques de la vie quotidienne (comme le jardinage   et la préparation  de la soupe que les enfants prennent à la « Casa de Maria »).